On s’interroge depuis bien longtemps sur les processus mis en œuvre par les enfants pour faire l’acquisition de leur langue maternelle. Lorsque tout se passe bien, cette acquisition s’accomplit à une vitesse étourdissante, au regard de l’extraordinaire complexité présentée par le langage et par son utilisation dans nos interactions sociales.
Au sein du développement enfantin, la période couverte par ces investigations a longtemps eu pour point de départ l’émergence des premiers mots, en moyenne autour de 12 mois après la naissance. Mais nous savons aujourd’hui que l’acquisition du langage démarre bien plus tôt. Dès la 20ᵉ semaine de gestation, le système auditif du fœtus permet à celui-ci d’entendre la voix de sa maman et celles des personnes de son entourage, et de se familiariser avec la forme sonore de sa langue maternelle, et en particulier la mélodie.
Pendant la première année de vie, des transformations majeures se produisent dans la manière dont le bébé perçoit les sons de la parole. Ils se caractérisent par une spécialisation précoce du système de traitement pour les sons de la langue maternelle, par opposition à ceux des autres langues.
Bien avant de produire ses premiers mots, le bébé s’engage dans de multiples interactions avec les personnes de son entourage, qui font appel à la voix, au regard, aux expressions faciales, au geste, et dont l’orchestration temporelle présente des similitudes frappantes avec celle de la conversation orale chez les adultes.
Avant les mots, le support premier de l’acquisition du langage est ainsi formé par les échanges conversationnels, ou ce qui les préfigure chez le bébé, et que l’on appelle les protoconversations. Si le langage a d’abord été vu comme un système de calcul symbolique, implémenté dans le cerveau de chaque individu, de nombreux chercheurs soulignent aujourd’hui le rôle majeur des interactions sociales à l’intérieur…