Bruce Willis ne jouera plus. Sa famille a annoncé une fin de carrière à 67 ans précipitée par l’aphasie qui affecte sa parole. Dans les années les plus flambantes de sa carrière jalonnée de succès, il n’a cessé de peaufiner son attitude légèrement désinvolte et intense de gueule cassée, qui toise l’action d’un œil existentiel. «Psy sinistré (par le suicide d’un travelo en cure sous ses yeux), flic justicier cassé, cocu bituré, père répudié ruiné, et plus si affinités […] bon vieux briscart rétamé de service» comme l’écrivait Bayon dans Libération, plaçant la star au firmament d’un certain héroïsme idéalement défait jusqu’à la figure de El Desdichado déjà quasi mutique du Sixième sens. En cinq films, retour sur quelques moments essentiels de ce dur/doux à cuire.
Piège de cristal, de John McTiernan, 1988
Qui se souvient qu’au moment où le public a découvert Die Hard, le choix de Bruce Willis, à ses yeux, était audacieux à la limite du farfelu ? Connu pour sa participation à la série télévisée Clair de lune, comédie policière très light dont l’enjeu central était sa relation avec Cybill Shepherd, il était aux antipodes du héros d’action des années 1980, taiseux et supra-musclé, comme de l’idéal de l’auteur du script original Jeb Stuart : John Wayne. Mais après les refus successifs d’un who’s who de l’Hollywood viriliste allant de Stallone à Burt Reynolds (sans oublier Schwarzenegger lui-même), le choix de Bruce Willis était l’occasion pour John McTiernan et le producteur Joel Silver de faire dériver l’actionner bas du front vers quelque chose de plus sophistiqué. Chef-d’œuvre de mise en scène, Piège de cristal est surtout devenu un classique grâce à l’incarnation de John McCLane par Willis, héros rétif et abîmé d’avance (en instance…